IEP: Compte-rendu du Conseil d’Administration du 10 mai. Un CA comme les autres ; entre compétition, élitisme, discipline et plainte à la justice


> Vous rappelez-vous qu’il avait été demandé au CA précédent, par les élu-e-s Up !, que nous ne publions plus de comptes-rendus avant celui de l’administration sous peine de sanctions disciplinaires ? Heureusement cette proposition fut reportée car illégale dans sa version initiale. Pourquoi publions-nous des comptes-rendus ? D’abord pour relayer nos positions, nos argumentaires et nos analyse du CA mais également parce qu’à notre sens, le « relevé de décision » publié sur le site de l’IEP après les CA à la place des anciens comptes-rendus exhaustifs, est insuffisant. Version tronquée et simplifiée de ce qu’il s’est dit, il ne rend pas compte de la réalité souvent arbitraire des décisions, et procède d’une infantilisation des étudiants dont on estime qu’ils ne sont pas capables de comprendre un document plus long qu’un cours de Mathiot. Malgré la rage que semble capables de susciter nos modestes comptes-rendus d’une subjectivité assumée, nous poursuivons donc seul.e.s notre politique de transparence complète. <<

Ce CA ne semblait a priori pas comporter beaucoup d’enjeux (vous allez voir finalement il y a du suspens). Premièrement, il n’y avait, évidemment, aucune des personnalités extérieures, qui pourtant semblent être si importantes à notre école (en termes d’image, roh, on ne vous a pas assez répété que c’était ce qui comptait ?). Seul Louis Dreyfus, directeur du groupe Le Monde, était là pour présider le CA mais n’est pas resté jusqu’au bout.

  • Le procès verbal a été approuvé à l’unanimité. Devait ensuite être voté le texte sur la section disciplinaire au sein du règlement intérieur. L’élection des membres de la commission disciplinaire est reportée à la fin du CA pour permettre aux membres de droit et personnalités extérieures de ne pas y assister, même si le règlement concerne toute l’école. Nous sommes les 3 seul-e-s à nous abstenir, car nous sommes en désaccord avec plusieurs points (l’affichage publique de l’identité des sanctionnés, certaines sanctions possibles) même s’ils dépendent du code de l’éducation qu’a repris le directeur pour écrire le texte. M. Dreyfus n’a pas manqué de se moquer de nos trois pauvres bras désespérément levés, seuls, au milieu de cette grande pièce.
  • Le point suivant était la convention dite d’association avec Lille 2. Auparavant appelée convention cadre, ce texte nous lie à l’université ; elle a du être revotée car elle était illégale et suppose un décret (ce qui a fait très peur à Benoît Lengaigne, qui nous a raconté à une réunion préparatoire avec les élu-e-s étudiant-e-s, puis devant tout le CA, le coup de fil du Ministère lui annonçant qu’il était dans l’illégalité. Il n’a pas bien appris de P.Mathiot, pro de l’arrangement avec les règles).

Benoît Lengaigne nous raconte : il reçoit une proposition de décret qui laisse entendre une grande coopération avec Lille2 sur un nombre varié de sujets. Cela ne convient pas à la direction qui entend avoir un texte précis sur une coopération conscrite au strict nécessaire, voulu par la direction de Sciences Po. « Les compétences mises en commun sont la recherche, les relations internationales, etc » nous dit-il.  Le ministère insiste sur la mise en commun (art. 718.16 du code de l’éducation) et contacte le président d’université Lille 2, qui croit que B. Lengaigne « essaye de la lui faire à l’envers » (cit). Après discussion ; ils tombent d’accord sur des « degrés distincts de coopérations » une écriture qui est légale. La direction fait voter le texte – adopté, les trois élus SUD s’abstiennent faute de mandat.

En gros toute cette histoire très compliquée peut être résumée par l’idée que Sciences Po a toujours voulu être très autonome de la fac, pour se distinguer, par volonté d’indépendance, pour ne pas se faire soutirer de s ressources, etc. Au final le directeur est très content d’avoir réussi à faire ajouter une phrase qui garantit cette indépendance, après avoir eu très peur de ces « compétences mises en commun ». Nous rappelons que notre revendication vis-à-vis de cette convention cadre (maintenant d’association) est que les étudiant-e-s de Sciences Po puissent voter aux centraux de Lille 2 (notamment pour bénéficier d'(une représentation national au CNESER)  Ce qui n’est toujours pas garanti par cette convention.

  • Viennent ensuite les « informations générales sur l’école, sur la faculté et l’équipe administrative » qui commencent par un listing des arrivées et départs dans l’équipe de l’IEP. Un renouvellement important a été fait dans l’administration ( six personnes recrutées). Nous rappelons qu’une grande partie des employé-e-s de l’IEP sont sur des contrats précaires, des vacations et nous dénonçons la précarité dans l’enseignement supérieur, chez les étudiant-e-s mais aussi chez les salarié-e-s de l’école.

Deux départs ont eu lieu au service technique et à la bibliothèque.

Des postes sont encore vacants.

* Pierre Mathiot nous présente ensuite les avancées de l’IDEX, dont il s’occupe au niveau lillois et national, surtout depuis qu’il est nommé chargé de mission au parcours d’excellence du Ministère. C’est lui qui avait mené les deux candidatures précédentes à l’IDEX pour Lille, mettant tout son cœur pour une plus grande sélection, et qui avait été très déçu de la défaite de Lille cette année. (pour des précisions sur ce qu’est l’IDEX voir notre article : http://www.sudetudiantlille.org/2016/01/idex-parlerons-nous-enfin-des-vrais-problemes/ et http://www.sudetudiantlille.org/2015/11/vous-aimez-la-competition-vous-avez-adore-le-crit-decouvrez-lidex/ ). Il commence donc sa présentation en regrettant que « nous » n’ayons pas été retenu-e-s alors que « nous » étions admissibles. La question est la suivante : faut-il de nouveau se présenter, maintenant que de l’argent a été rajouté dans le « pot commun » ? (nous savons à présent que Lille a décidé de se présenter de nouveau, ce qui n’est pas étonnant vu l’importance que ce « concours de beauté » (cf. Voix du Nord du 13 juin) revêt pour Xavier Vandendriessche et Pierre Mathiot). L’une des raisons du refus de Lille comme nominée a été la « mauvaise position des grandes écoles dans le projet » : eh oui, les facs ça n’est pas assez excellent, il faut donc placer mieux les grandes écoles qui elles rapportent du rayonnement international, des investissements et de l’argent. Suite à une réunion à l’université la veille, P. Mathiot défend le fait que cette intégration ne soit pas une « intégration juridique ».

* Benoît Lengaigne nous informe de deux partenariat en cours : Sciences Po est partie prenante pour le projet d’un institut convergence : c’est un projet d’excellence sur un projet de société «  utilisation de l’image dans les sociétés passées et actuelles ». La coordination est faite par un prof psychologie du CNRS-UMR. Il y aurait 21 partenaires, 12 UMR et 15 universités lilloises. Cela permettrait d’avoir 1 ou 2 million d’euros par an pour 10 ans en recherche, lié à la recherche. Le directeur pense que si on est venu-e-s voir sciences po c’est parce qu’il y a un volet formation. Il faut donc lier les enjeux de recherche à la façon dont la formation peut s’en saisir. Les dossiers sont déposés, nous serons tenu-e-s au courant, en sachant que nous ne sommes pas les seul-e-s. Ce projet semble a priori plutôt positif pour la recherche, mais nous nous méfions de l’intitulé « excellence ».

L’autre partenariat est un appel à projet du ministère dans la perspective du relogement, d’actualité à partir de janvier 2017 : il s’agirait d’élargir les horaires d’ouverture de la bibliothèque. La bibliothèque du futur IEP rue Angellier, serait la seule bibliothèque de centre-ville, elle va offrir 200 places de travail. L’appel à projet viserait à augmenter les horaires, en partenariat avec Lille 1, 2, 3. Sciences po porte le projet, puisque l’université de Lille n’est pas encore constituée. Sciences po devient donc un argument de neutralité ; nous allons donc répondre à cet appel à projet. Cela permettrait d’avoir des contrats étudiant-e-s financés par l’Etat et d’ouvrir jusqu’à 22h 15 jours avant les examens, samedi et dimanche. Nous rappelons que la situation est complexe : si dans un temps nous devons nous réjouir que ces horaires plus larges permettent d’employer des étudiant-e-s, nous ne souhaitons pas que ces emplois soient précaires ou à des horaires très tardives et continuons à affirmer que le salariat étudiant ne permet pas de réussir ses études dans de bonnes conditions. C’est pourquoi nous revendiquons un enseignement supérieur gratuit et un salaire étudiant.

* Nous sommes ensuite informé-e-s que Mme Figueredo ( Directrice Générale des Services) s’est vue remettre la Légion d’Honneur, elle est félicitée.

  • Vient ensuite le point sur le thème « Sciences Po Lille et le réseau des Sciences Po du concours commun ». Qui a consisté en une autocongratulation de une demi-heure où professeur-e-s et étudiant-e-s se félicitaient que Sciences Po Lille soit l’IEP dit de province à l’origine de toutes les initiatives, tirant les autres vers le haut, qui ont initié PEI etc. M. Mathiot a eu droit à beaucoup de compliments pour son travail, notamment puisque l’instauration du programme PEI (de démocratisation) semble être nécessaire et suffisante pour ramener l’égalité sociale au sein  de Sciences Po. On dit « inégalités » on nous répond PEI. Mais rappelons qu’une prépa dans quelques lycées ne permet PAS l’éradication des inégalités sociales, de l’autocensure, de la sélectivité. Seule la suppression du concours le permet. C’est d’ailleurs ce qu’a bien résumé Elise Julien lorsque celle-ci, s’interposant entre M. Mardellat et une élue SUD en plein désaccord sur le nombre de places au concours, affirme « si on veut faire entrer un maximum d’étudiant-e-s, on supprime tous les concours, mais je crois que là la logique est différente ».

Le point intéressant de cette discussion, qui était quand même tournée autour de la diminution (et non suppression) des inégalités des concours, était la suppression du concours de 2A. Le fait remarqué par la direction à juste titre est l’inégalité sociale qu’engendre ce concours permettant l’entrée massive de personnes venant de prépa ( et donc socialement privilégiées, cf Bourdieu etc.). Il ne permet pas de « diversifier les profils » et entache la « progressivité pédagogique » (puisque les ED n’ont pas suivi les cours de 1A il y a des redit). Mais Benoît Lengaigne est minoritaire chez les directeurs des IEP sur cette position, pour des effets de communication consistant à dire qu’on ne peut pas se permettre de supprimer un concours sans en faire un autre ( ce qui compte est donc la com’ et non le fait de permettre à plus d’étudiant-e-s d’intégrer l’IEP…). La proposition faite est celle d’un concours en 4A mais la majorité des membres du CA sont sur la même ligne que le directeur, c’est-à-dire qu’ils pensent que ça nuirait à la spécificité des masters de Sciences Po Lille.

A donc lieu un brainstorming des personnes présentes sur des modalités d’ajustement pour supprimer le concours de 2A tout en satisfaisant l’ « unité de l’école » et les autres directeur-rice-s. Dans les grandes lignes : Pierre Mathiot propose donc d’imaginer une banque d’épreuve d’admissibilité commune : cela permettrait un abaissement des coûts parce que les candidats pourraient passer des épreuves communes (qui correspondent à nos attentes) et être candidat-e-s dans tel ou tel IEP : on garderait la main sur le recrutement de nos étudiant-e-s. Les épreuves communes auraient lieu fin mars sur les 7 sites et ensuite le candidat peut cocher qu’il est candidat à Lille. Et lorsqu’un profil atypique se présente, les processus existants nous permettent de les intégrer par des voies spécifiques. Selon lui cela reviendrait à conserver notre autonomie en basculant sur des jurys locaux.

Le contre-argument à cela était principalement défendu par M. Mardellat qui considère qu’en première année un concours commun se justifie parce que les gens veulent entrer à Sciences po et pas dans un master puisqu’iels n’ont pas une idée précise de ce qu’iels veulent alors qu’en 4A les étudiant-e-s n’entrent pas à sciences po mais en master. Ca veut dire qu’on fait d’abord entrée à sciences po puis sélection. « Moi je suis pour la sélection » déclare-t-il. L’idée est également de ne pas ajouter un concours supplémentaire. Les élu-e-s Up ! s’y mettent en remettant sur le tapis Eusopa (organisme européen dans lequel est Sciences Po et dont tout le monde se fiche (même Lengaigne) maisqui semble très important à leurs yeux), la discussion se tient sur la question de l’unité, de la place de Sciences Po vis-à-vis des autres IEP et de Sciences Po Paris dans une perspective de compétition, agrémenté d’une métaphore filée sur le football (« on est les premiers en ligue 2, il faut passer en ligue 1 »). M. Mardellat amène la question du recrutement des étudiant-e-s étranger-e-s (permettant le « rayonnement de l’école » et de concurrencer Sciences Po Paris) mais ne considère pas que le recrutement d’étudiant-e-s à l’étranger nécessite d’ouvrir de nouvelles places. Ce qui de fait met en concurrence des étudiant-e-s qui viennent de pays où l’enseignement est encore plus sélectif. Cette remarque sera considérée comme raciste et nationaliste.

Tout le monde se délecte de ce débat sur la manière d’être les meilleur-e-s ; la question de l’ouverture du concours à un maximum d’étudiant-e-s et de la réduction des inégalités sociales est vite abandonnée.

  • Le point suivant est le calendrier universitaire de l’année prochaine, qui, loin d’être parfait puisqu’il ne laisse pas de semaine de révision comme cette année, n’est malheureusement pas modifiable au vu de la complexité des emplois du temps de chacun-e. Les partiels de janvier seront condensés sur une semaine, puisque le nouvel établissement offre plus de places.
  • Le dernier point à l’ordre du jour est l’élection des élu-e-s du collège des enseignant-e-s et étudiant-e-s pour la section disciplinaire orchestrée par M. Lascombe qui, le sourire jusqu’aux oreilles, nous fait voter « au scrutin nominal à deux tours », comme il a aimé nous le répéter plusieurs fois, des noms que chaque personne choisissait. Cependant, comme nous vous l’avions expliqué, les élu-e-s Up ! et Paliens Engagés s’étaient mis-e-s d’accords sur des noms et ont gentiment voté pour la personne que nous proposions (ce que nous n’avons pas fait, étant en minorité nous avons pu ne voter pour des personnes uniquement de notre liste et que cela ne change rien).

Les élu-e-s de la commission disciplinaire sont donc pour les enseignant-e-s : François Benchendikh et Elise Julien (les seul-e-s à se présenter), pour les étudiant-e-s : Chloé Lebas (Sud), Pauline Losson (Up), Théo Bernini (Up), Yanis Makoudi, Alexandre Misplon(Up) et Camille Jaffrelo (PE) et les suppléant-e-s sont Anaïs Dudout et Gaëlle Masson pour les filles. Voilà c’était le dernier point, peu palpitant puisque ces élections étaient jouées d’avance.

  • Dernier ? Non puisque le plus intéressant reste à venir et nous vous avons gardé pour la fin le meilleur point. Vers le milieu du CA, dans les informations générales sur l’école, alors que peu de monde est encore concentré-e, M. Lengaigne a discrètement lâché une petite bombe. « Et je vous informe que l’école a porté plainte contre X pour diffamation suite à la phrase trouvée sur internet « École qui dorénavant assume pleinement que le racisme fait partie intégrante de ses valeurs ».

To be continued…

 

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