A Sciences po Lille comme ailleurs les femmes et minorités de genre ne se tairont plus !


« Je n’ai jamais réussi à définir le féminisme. Tout ce que je sais, c’est que les gens me traitent de féministe chaque fois que mon comportement ne permet plus que je sois confondue avec un paillasson »   Rebecca West

« Quand une féministe est accusée d’exagérer, c’est qu’elle est sur la bonne voie »  Christine Delphy

 

L’Enseignement Supérieur et Sciences po Lille : un univers gangrené par le sexisme.

 

On le sait, l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) ne sont pas d’heureuses bulles isolées du reste du monde et de ses violences multiples. Le sexisme commence d’abord là où, souvent, on refuse de le voir : une parole déplacée, une blague de trop, un geste non consenti.
Il aboutit, par des systèmes de harcèlement, de mépris, d’agression physique et morale ou de viol, au retrait des femmes de l’espace publi
c, à des stratégies d’évitement et de protection face aux violences. Il serait fou d’imaginer qu’au sein de notre société patriarcale, l’enseignement supérieur et la recherche, historiquement lieu de la domination masculine par la confiscation du savoir et du pouvoir, puisse être exempt de ces discriminations.
Depuis 2002, de nombreux témoignages de femme harcelées sexuellement au sein de l’enseignement supérieur sont recensés et analysés par le CLASCHES[1]. Depuis 2012, la Conférence permanente des chargées de mission égalité, diversité (CPED)[2] propose aux établissements une série de solutions concrètes contre le sexisme dans l’ESR.

C’est que le problème est de taille ! Outre les violences sexistes et agressions sexuelles, les femmes sont globalement invisibili
sées et exclues des postes de l’ESR, notamment les plus prestigieux.

 

Du côté des enseignant.e.s, les femmes représentent en 2011, selon le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, 42% des maîtres de conférences mais seulement 22,5% des professeur.e.s des universités et 14,8% des président.e.s d’université. Le bilan est également accablant du côté des étudiant.e.s : en 2011 les femmes représentent 57% des effectifs de Licence et de Master mais elles ne sont que 48% de doctorant.e.s.

A l’université, les femmes semblent n’être les bienvenues qu’au sein de filières considérées comme « féminines », pour n’occuper que les postes les moins prestigieux. Elles sont en effet minoritaires, toujours selon le ministère de l’ESR, dans les classes préparatoires aux grandes écoles et dans les écoles d’ingénieurs. La France se classait d’ailleurs bonne 17e sur 22 dans sa part de femmes nouvellement titulaires d’un doctorat dans l’OCDE en 2009 [3]. Nous pourrions accumuler les chiffres sur des pages et des pages : le sexisme dans l’ESR en France n’est plus à prouver. 

Resserrons la focale : Sciences Po Lille est loin d’être exemplaire en la matière.
Parmi nos enseignant.e.s chercheu.ses.rs aucune femme n’est professeure des universités[4] (ce qui pose par ailleurs un certain nombre de problème
s dans la constitution de liste paritaire dans les diverses commissions).
Du coté des étudiant.e.s, la lente libération de la parole des femmes et minorités de genre ne semble pas jouer en la faveur de l’établissement : la récente page Facebook « Paye ton SPL », créée à la suite de blagues sexistes sur le viol au sein d’un groupe de memes, recense les témoignages d’un sexisme quotidien qui, souvent sous l’excuse de l’humour, perpétue le système patriarcal de violence et d’humiliation envers les femmes et minorités de genre[5].
Le dernier témoignage en date (posté il y a moins de 24h lors de l’écriture de cet article) : « Cette fille-là, même avec ta bite je ne la baise pas. ».
Sans même prendre la peine de relever le langage fleuri que cet étudiant emploie pour parler de ses congénères féminines, nous sommes ravi.e.s d’apprendre qu’en 2018 les femmes peuvent encore, au cours d’une conversation badine, être méprisées ouvertement pour leur physique, ramenées au statut de bout de viande « baisable » ou « pas baisable ».

Cette violence sexiste est loin d’être un phénomène récent : déjà en mars 2015 une enseignante avait dénoncé lors d’un Conseil d’Administration (CA) le caractère sexiste (mais également raciste et homophobe, comme quoi certaines personnes aiment aller au bout de leurs idées nauséabondes) du livret de chants distribué aux 1A lors de leur « intégration » par le BDE de l’époque. La « révélation » de ce secret de polichinelle avait secoué Sciences Po Lille, alors même que notre syndicat proposait pour la première fois à l’ordre du jour d’un CA la signature d’une Charte égalité de genre
s[6]. 
 

Pour un enseignement supérieur féministe, égalitaire et émancipateur !

Des solutions nous en avons ! Pas besoin d’inventer le fil à couper le beurre : de nombreux collectifs luttent à nos côtés contre les violences sexistes dans l’ESR depuis des années et proposent une série de solutions simples et facilement applicables.

Pêle-mêle, nous proposons depuis longtemps la mise en place de cellules de veille contre le harcèlement au sein des universités[7], mesure reprise par le gouvernement à la rentrée 2018[8], de plus lourdes sanctions contre les enseignants sexistes et harceleurs, la signature d’une Charte anti-discriminations par les associations étudiantes, la systématisation de l’écriture inclusive au sein de l’université ou encore la fin de toute forme de « bizutage », moment propice aux violences sexuelles et humiliations genrées[9].

Une société patriarcale ne se transforme malheureusement pas en un jour, il est également de la responsabilité des enseignant.e.s et des étudiant.e.s de
favoriser la visibilité des chercheuses et inventrices de leur discipline, de dénoncer les violences sexistes et les discriminations, de refuser l’indifférence face à l’exclusion des femmes des sphères de savoir. [10]
Cela fait à présent 8 ans que Solidaires étudiant.e.s travaille quotidiennement à l’IEP de Lille à promouvoir par l’activité syndicale un enseignement supérieur accessible à tous et toutes, égalitaire et émancipateur. Ce travail passe également par l’écoute et la défense des étudiantes subissant le sexisme au sein de leur établissement. En 2015 nous proposions la signature d’une Charte sur l’égalité de genres ; aujourd’hui, alors que l’année 2018 touche bientôt à sa fin, le dernier Conseil d’Administration a encore repoussé la nomination d’un.e référent.e à l’égalité de genres. 
Nous sommes excédé.e.s devant la lenteur d’une direction-autruche, incapable de sortir la tête du sable face à un enjeu pourtant majeur. Au-delà même de « l’image de l’école » qui lui tient tant à cœur, le sexisme est une violence inacceptable que nous refusons de subir plus longtemps au sein d’un établissement qui se voudrait attaché aux valeurs démocratiques d’égalité. Malgré tout, un mouvement est en marche : cette année nous avons pu, aux cotés de l’association féministe et LGBT+ BCBG, de l’association de promotion des cultures africaines Méla’lille et d’un BDE renouvelé, organiser lors du SAS de rentrée deux conférences sur les discriminations racistes et les violences sexuelles et sexistes dans l’ESR. Nous invitions également en septembre dernier la troupe de théâtre « Les culottées du bocal » au sein des locaux de Sciences Po Lille pour performer autour du consentement. 

A Sciences Po Lille comme ailleurs les femmes et les minorités de genres ne se tairont plus jamais ! Les auteurs de violences sexistes doivent être sanctionnés. Ce n’est plus aux victimes d’avoir peur mais bien à leurs agresseurs. Nous refusons d’être rabaissées, humiliées, violentées pour notre genre et revendiquons une université égalitaire où chacune pourra étudier librement sans discrimination ou violence. Cette université nouvelle passe par une prise de conscience par les étudiant.e.s et les personnels enseignant.e.s et non enseignant.e.s de la violence du sexisme au sein de l’ESR mais également de l’application rapide d’une série de mesures concrètes. Nous appelons la direction de notre établissement à prendre ses responsabilités et continuerons de lutter pour l’émancipation des femmes et minorités de genre à Sciences Po Lille et partout ailleurs !

 

 

[1] Voir leur site internet : http://clasches.fr/
[2] Voir leur site internet : https://www.cped-egalite.fr/
[6] Voir notre article de l’époque sur le CA du 9 novembre 2015 discutant des mesures à prendre vis-à-vis du livret du « Chti Bizuth » : http://www.sudetudiantlille.org/2015/11/livret-du-chti-bizuth-au-dela-des-ragots-ce-quil-sest-reellement-passe-au-dernier-ca-et-notre-position/
[7] Voir par exemple la cellule de veille contre le harcèlement sexuelle mise en place à Lille 3 en septembre 2015 : https://www.univ-lille3.fr/cellule-harcelement-sexuel/
 
[10] En savoir plus sur les luttes antisexistes de Solidaires étudiant-e-s : https://www.solidaires-etudiant.org/blog/category/antipatriarcat/

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