Élections du directeur à l’IEP : rien de très alléchant…


Un choix limité !

Les candidat-e-s au poste suprême de directeurice de l’IEP de Lille sont connu-e-s depuis près d’un mois. Parti-e-s 5 à la base (3 hommes, 2 femmes), ils/elles ne sont plus que 4, Bernard Cohen-Solal ayant décidé de se retirer huit jours avant le scrutin. Il ne reste donc que 4 économistes ou gestionnaires, 0 politistes, 0 sociologues, 0 juristes. Manque de « courage politique » ou, bien au contraire, refus de s’encombrer avec des responsabilités si prenantes et épuisantes ?

Sur les 4 candidat-e-s restant-e-s, 2 sont des « locales/locaux » et 2 des « extérieur-e-s ».

Chacun-e a remis aux membres du CA son « projet » d’établissement. Vous pouvez enfin les consulter sur le site internet de l’IEP. Cela peut paraître évident mais il faut savoir qu’ils étaient à l’origine « confidentiels » ; nous avons fait part de notre volonté de les publier, ce qui a été repris par les autres élu-e-s étudiant-e-s puis par l’ensemble du CA. À noter que les programmes mis en ligne ne sont pas exactement les mêmes que ceux qui ont été transmis aux membres du CA…

Les 3 « extérieur-e-s » !

Pris-es de court par la défection d’un des 3 candidat-e-s « extérieur-e-s », nous avons tout de même décidé, parce que c’est rigolo, d’analyser les 3 projets de ces candidat-e-s ensemble. Pourquoi les regrouper ? Fainéantise de notre part ? Non. Ces projets ont plusieurs points communs qui justifient notre choix:

  • ils sont très courts (2 à 3 pages) ;
  • ils témoignent d’une méconnaissance totale des dossiers en cours (frais modulés, réforme des masters, Université de Lille, liens avec les laboratoires de recherche voire même déménagement). L’un des candidat-e-s, Guillaume Vinchon, a même le courage de l’assumer ;
  • ils oublient donc d’importantes dimensions du projet d’établissement (parfois le système informatique, parfois la vie étudiante, parfois la pédagogie, toujours les conditions de vie étudiante et les aides sociales…).

Guillaume Vinchon

Directeur d’un lycée aéronautique dans la Somme et enseignant d’éco-gestion, c’est le candidat le plus « atypique ». Ses 2 pages de projet sont assez vides, au-delà des éléments de langage habituels.

Un point nous empêche particulièrement d’adhérer à son projet : sa volonté d’accroître les « partenariats avec les entreprises » et de promouvoir une « approche managériale » d' »ouverture sur le monde industriel ». C’est donc l’inverse du programme sur lequel nous avons été élu-e-s.

Florence Legros

Un temps professeure d’économie-gestion à l’université Paris-Dauphine entre autres, son projet est tout aussi réduit, surtout quand on dépasse les éléments de langage habituels. Quelques idées intéressantes : accroître les recrutements ruraux pour accroître encore la « mixité sociale » ou créer une filière à destination des diplômé-e-s de bacs pros (cela fera réagir à notre droite). Mais les propositions sur la parité tombent à l’eau, pour les étudiantes en tout cas, puisqu’elles constituent déjà une large majorité des diplômé-e-s.

Bernard Cohen-Solal (le regretté)

Professeur à ESCP Europe et à HEC, deux écoles du « grand capital » bien connues, son projet avorté nous manquera beaucoup, tant il était clairement orienté vers entrepreneuriat, l’ « innovation », les « start-ups » et autres mots d’une langue barbare que nous, dangereux syndicalistes, ne comprenons pas. Le projet était tout aussi vide que les autres même si une citation de l’ « école 42 » a attiré l’attention des geeks cachés parmi nous. Pareil à l’interprète de l’amiral Ackbar, il s’est aujourd’hui retiré, tournons la page.

Benoît Lengaigne, le favori

Directeur adjoint sortant, ancien Directeur des Études et candidat (favori ?) à la Direction de l’IEP. À côté de ses 35 pages de projet, les autres candidat-e-s font pâle figure.

  • Son projet s’attarde d’abord sur la « nécessaire sélectivité » de la « marque » Sciences Po. Vous vous doutez que cette partie a déclenché quelques réactions épidermiques de notre côté. Au moins est-il conscient de la « menace de reproduction sociale » : il affiche « 1/3 de boursiers » comme objectif. Mais est-ce suffisant ? Toute sélection n’est-elle pas sociale ? Et quid de la FIFB qui est peu accessible aux boursiers (c’est un euphémisme!) ?
  • Quant au diplôme, celui-ci « se suffit à lui-même » et est insécable : c’est donc un « non » ferme au diplôme en 3 ans. Certes un diplôme en 3 ans » risquerait de constituer un moyen de sélectionner encore davantage en masters. Mais ils pourraient aussi constituer une échappatoire pour celles et ceux qui ne se reconnaissent pas ou plus dans la « marque » Sciences Po. Quant aux poursuites d’études, force est de constater qu’elles sont nombreuses (au-delà des doctorant-e-s).
  • Sur les relations extérieures, il souhaite que l’IEP participe à la future UDL (Université de Lille) en participant à la préparation aux grands concours, à la coordination des programme de démocratisation ou à l’organisation de grandes conférences (l’IEP sera situé en centre-ville). Il souhaite poursuivre les relations avec les entreprises : même si la chaire « Gestion des services publics locaux » avec Eaux du Nord ne sera pas reconduite, il parle d’autres « chaires privées » éventuelles (encore un rictus ici de quelques syndicalistes arriérés).
  • Sur l’international, il souhaite se tourner davantage vers le monde anglo-saxon et mettre en place une cartographie disciplinaire des accords (ce qui est une excellente idée par ailleurs). Au vu de la nouvelle législation sur les stages, il souhaite aller vers une 3A de 6 mois à l’étranger en université et de 6 mois de stage, ce qui marquerait la fin du stage court. Étant donnée la discrimination sociale qui s’opère quand on cherche un stage, nous nous inquiétons d’une généralisation voire d’une obligation pour les étudiant-e-s de suivre un stage de 6 mois à fortiori à l’étranger. Tout le monde n’est pas fils et fille de diplomate, ne l’oublions pas (1/3 de boursiers).
  • Il souhaite également rendre une LV3 obligatoire (une bonne idée encore) dont l’anglais mais, en parallèle, il souhaite réduire le nombre de langues proposés : la LV3 serait le chinois ou l’arabe. Serait-ce la fin des accords en DUFL à Lille 3 ?
  • Sur la recherche, il souligne l’incohérence d’un labo « Sciences Po Lille » au vu de la grande « pluridisciplinarité » et du faible nombre de chercheur-e-s titulaires par rapport aux autres IEP. Il souhaite renforcer le rôle de la Commission Scientifique et étudier la possibilité que l’IEP soit une des co-tutelle des UMR (Unité Mixte de Recherche, Université-CNRS). Il souhaite enfin développer un prix du meilleur mémoire et une plateforme d’accès aux mémoires des étudiant-e-s en ligne : une bonne idée qui pose des questions en terme de droits d’auteur-e-s. Tout cela serait coordonné par un ou une directeurice adjoint-e à la recherche.
  • Sur le budget, il rappelle quelques chiffres : 5,25 millions hors salaires État (8,6 avec) auxquels il faut retirer le demi-million de PEI. L’IEP c’est 37 enseignant-e-s-chercheur-e-s titulaires et 20 personnels non-enseignant-e-s titulaires seulement.
  • Il l’annonce : pas de baisse des frais d’inscription, qui seront gelés jusqu’à la rentrée 2016. Ils seront alors « réévalués ». Il le dit aussi sans détour : il n’ira pas au-delà de 2.000 étudiant-e-s (1.800 aujourd’hui). Deux annonces claires qui vont à l’encontre de notre programme (sur lequel nous avons été élu-e-s).
  • Sur les maquettes, il souhaite équilibrer les charges de cours et donc alléger certaines années, en 4A notamment.
  • Il souhaite imposer à terme des demi-journées pour les langues, les séminaires d’ouverture et les projets sportifs et associatifs.
  • Il souhaite également rétablir la conférence de méthode de « Méthodologies des sciences sociales », qu’il avait supprimée il y a 3 ans, à la condition d’un « consensus » entre disciplines sur l’enseignement.
  • Il souhaite également que la préparation aux concours administratifs et européens commencent dès la 2A (pour tout le monde ?).
  • Enfin, la petite proposition pour faire plaisir à SUD (la première) est ici : un séminaire autour du genre et des dominations (une réaction de l’UNI ?).
  • Sur le déménagement, il souhaite un IEP plus ouvert sur la ville et plus de manifestations scientifiques. Le budget du déménagement c’est 19 millions d’euros, dont 3 pour la BU. Un million est prélevé sur le fonds de roulement de l’IEP. La date promise est septembre 2016.
  • Il souligne que les frais de fonctionnement seront en hausse du fait de la taille du bâtiment (2.000 m2 de plus) : nous aurions ici aimé voire une mention spéciale « écologie ». Ces « frais de fonctionnement » (chauffage, électricité) pourraient diminuer si une politique de sobriété énergétique était menée.
  • Sur la vie étudiante, 2ème proposition « pour faire plaisir à SUD » : communiquer autour de la CAS (Commission des Aides Sociales). Certes. Il a également l’air intéressé par notre proposition d’un-e assistant-e social-e qui puisse préparer les dossiers des étudiant-e-s.
  • En ce qui concerne la CVA (Commission Vie Associative), il accepte l’idée d’une officialisation (via une fiche) de « nos » critères : intérêt culturel, nombre d’étudiant-e-s touché-e-s, intérêt pédagogique.
  • Sur le statut d’étudiant-e salarié-e, M. Lengaigne a accepté de faire un pas vers nous : le ramener de 12h à 10h d’heures salariées hebdomadaires pour en bénéficier, et l’ouvrir aux étudiant-e-s boursier-e-s.
  • En ce qui concerne le handicap, il accepte de charger le responsable de la vie associative de répondre aux étudiant-e-s en situation de handicap et de les rediriger si besoin vers la cellule « handicap » de Lille 2.
  • Sur la vie associative, il souhaite la « professionnaliser » : diminuer le nombre d’assos, favoriser les transmissions et formations etc… Il souhaite aussi renforcer le rôle du BDE en le liant davantage à l’asso des ancien-ne-s. Nous sommes davantage réticent-e-s sur ces aspects.
  • En ce qui concerne les dérives, il a exprimé sa connaissance des problématiques liées au « bizutage », mais a exprimé avant tout son impuissance. Nous aurions préféré davantage de volonté et de fermeté…
  • Enfin sur la gouvernance, il souhaite revoir la composition du CA mais cela ne peut se faire que par décret du Ministre.

En bref un projet conséquent, avec des idées concrètes, certaines bonnes, d’autres mauvaises et d’autres enfin risquées. Mais un projet qui est favorable aux partenariats publics-privés, n’annonce pas de baisse des frais de scolarité ou une réforme radicale du système des absences. Et enfin un projet qui ne va pas assez loin ou ne va pas, sur le handicap, l’écologie, les aides sociales ou le statut d’étudiant-e salarié-e.

Marie-Hélène Fosse-Gomez, rivale sérieuse ?

Sans être favorite, Marie-Hélène Fosse-Gomez est une candidate locale (plusieurs enseignements à l’IEP, enseignante à Lille 2) et a déjà un long CV dans les instances universitaires (ancienne vice-présidente de Lille 2).
Par rapport aux 2 candidat-e-s « extérieur-e-s », elle maîtrise davantage ses dossiers et cela se voit : pas moins de 12 pages de projet.

  • Le déménagement occupe une place importante dans son projet. On trouve même, à ce sujet, quelques propositions intéressantes : réfléchir à l’intégration des étudiant-e-s et personnels dans la vie de quartier (ce qui a manqué à Moulins, exception faite de la Moulinette) ou le fait de désigner en CVA des étudiant-e-s « veilleurs » pour le déménagement (certes le nom rappelle des choses aux militant-e-s LGBT lillois-es) pour remonter les problèmes qui se posent et seraient amenés à se poser.
  • Sur les conditions de vie étudiante, on peut regretter que la CAS ne soit pas mentionnée et qu’aucune donnée de notre enquête sociale ne soit reprise.
  • Sur la mobilité, sont évoqués des liens à construire avec les Campus français en Asie. Problèmes : ce sont souvent des émanations d’établissements privés, quid alors des frais d’inscription par exemple ?
  • Sur la « modulation » des frais d’inscription, pas d’augmentation affirmée (ni de baisse) mais l’appel à un bilan.
  • Sur la formation continue (qui revient dans chaque projet), l’importance de s’inscrire dans l’Université de Lille est affirmée. Rappel : à elle seule, Lille 1 est la première université en terme de recettes de formation continue en France.
  • Sur le fonds de roulement actuel de 3,7 millions, une partie serait investie dans le déménagement, l’autre partie dans un Centre de Ressources en Langues (CRL) et dans un studio d’enregistrement (aussi utilisable par des assos ?). Le fonds de roulement serait ramené à 1,8 ou 2 millions afin de ne plus attirer les convoitises rectorales.
  • Sur la pédagogie, les masters ou l’informatique, les parties sont assez développés mais appellent des questions : utilisation de logiciels propriétaires par exemple, absence de détails sur les parcours de masters…
  • La partie « recherche » est aussi développée : il est ainsi proposé de financer des thèses (2 demi-allocations) avec une définition de l’axe de recherche en partie par l’IEP, un rattachement à l’école doctorale concernée, un monitorat (une charge de cours) au sein de l’IEP et une inscription dans les allocations « Région ».
  • Enfin un passage sur la professionnalisation nous a donné quelques boutons : on nous parle de l’ « entrée rapide dans le monde du travail ». Pourquoi doit-elle être aussi rapide ? Est proposé un système de « vie ma vie » en 2A ou chaque étudiant vivrait la vie d’un-e diplômé-e.

En bref, beaucoup d’éléments de langage, quelques idées un peu originales mais des manques également. Le régime d’étudiant-e salarié-e, le développement durable, le contrôle des absences, la CAS, le handicap ou les partenariats public-privé ne sont pas abordés, ce qui nous empêche de nous positionner plus finement.

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