Livret du Chti Bizuth. Au-delà des ragots : ce qu’il s’est réellement passé au dernier CA et notre position. 11


Ce CA devait discuter des sanctions à prendre sur le dossier du Chti Bizuth. Si l’objectif était de discuter des sanctions et de la façon dont les sanctions pouvaient être apportées, il est évident qu’il ne s’agissait pas de les prendre en CA puisque ce n’est pas de la compétence du CA. Mais il était assez sain qu’il puisse y avoir une discussion sur le sujet lors de ce CA, puis que l’affaire avait explosé lors du précédent CA. 

Avant même que la discussion puisse se lancer. M.Lascombe a annoncé que si une discussion avait lieu sur ce sujet il sortirait du CA et souhaitait être retiré du quorum. La discussion n’a rien à faire en CA selon lui. Après une brève présentation du problème par la direction, M.Lascombe sort.

Les élu-e-s Déclic, Affranchis et IEP font une remarque similaire à M.Lascombe. Une partie d’entre eux sortent également du CA.

Avant de poursuivre, nous tenons à dire que nous sommes en effet d’accord pour dire que le CA n’est pas là pour prendre des sanctions. Nous jugeons cependant irresponsable et inadmissible que des élu-e-s étudiant-e-s se permettent de boycotter une discussion sur une affaire de sexisme et de racisme à l’IEP. Les effets de manches et de mise en scène n’ont rien à faire ici, la question est trop sérieuse, trop importante. Eviter une conversation nous concernant, tou-te-s les étudiant-e-s, parce que nous y avons participé (les élu-e-s Sud s’incluent au même titre que les autres étudiant-e-s) voire que nous l’avons organisé pour certain-e-s, est en réalité éviter à tout prix de se remettre en cause.

Non ce n’est pas facile de se rendre compte que nous avons pu blesser, qu’il y a pu avoir des conséquences importantes pour certain-e-s. Ce n’est pas facile non plus d’envisager une solution à ce problème. Mais il est trop facile de refuser de voir, de refuser d’y réfléchir, de refuser d’entendre les autres. Nous ne sommes pas élu-e-s pour passer des bons moments.

Le CA se poursuit donc. Nous y détaillons donc la position adoptée collectivement par le syndicat, en ayant conscience qu’elle n’est pas parfaite, qu’elle pose un certain nombre de problème. Mais c’est celle qui nous parait être la plus juste.

L’anti-sexisme et la lutte contre l’ensemble des oppressions sont des valeurs fondamentales. Nous devons lutter pour les faire disparaitre au quotidien. Y compris lorsqu’il s’agit de blagues, de petites remarques, de petits gestes, qui seraient anodins, sans importance, qui ont pour but de rire.

Pourquoi ? Parce qu’ils ne sont pas anodins, notre société est inégalitaire, notamment entre les hommes et les femmes, ces inégalités se concrétisent par des choses très graves que tout le monde condamne : inégalités salariales, violences physiques, etc… Mais ces inégalités ne viennent pas de nulle part. Elles sont construites socialement. Elles sont construites par l’éducation, et par toutes ces petites choses du quotidien qui nous font intérioriser des préjugés, qui nous font considérer que certains traitements sont normaux. Tous ces préjugés que nous intériorisons nous font avoir des comportements oppressifs envers les autres, oppressifs c’est-à-dire que nous les empêchons de se comporter totalement librement, sans forcément que nous nous en rendions compte ou que la personne oppressée s’en rende compte. Prenons un exemple simple : Lors de discussions en réunion ou en public les femmes ont tendances à parler beaucoup moins que les hommes, et ceux-ci ont tendance à beaucoup plus leur couper la parole (ce sont des faits statistiquement prouvés). Cela ne veut pas dire que les hommes les en empêchent volontairement. Simplement ils ont pris l’habitude de parler en public depuis qu’ils sont petits, ils ont pris l’habitude d’avoir confiance en eux, par des phénomènes de socialisation très fins. Et les femmes ont également intériorisé l’inverse, le fait d’avoir moins confiance en soi, de remettre en cause sa parole, son avis.

Ce sont tous ces phénomènes qui conduisent aux grandes inégalités de notre société. Et les blagues sexistes, racistes et discriminantes participent à leur échelle à la construction de cette société, c’est pour cela que nous luttons contre elles. Même si l’idée à l’origine est de rire et rien d’autre.

Par ailleurs il faut savoir qu’elles peuvent blesser. Elles peuvent-être très violentes sans que personne ne s’en aperçoivent. Parce que lorsque l’on fait une blague sur la pédophilie, sur le viol, la violence raciste etc… On ne sait pas si les gens autour n’en ont pas un jour été victimes. Or pour une victime il est terrible d’entendre ce genre de propos. Cette terrible souffrance qui peut être déclenchée n’est pas visible. Parce que ce sont des choses qui sont incroyablement difficile à exprimer. Il n’est pas si facile de se plaindre, de protester dans ce cas-là.

Voilà pourquoi nous prenons ce sujet très au sérieux et que nous pensons qu’il doit l’être pris par tou-te-s, avec précaution pour ne blesser personne.

Venons-en maintenant à la façon dont l’IEP doit traiter le problème : il doit y avoir une partie « prévention » mise en place pour faire comprendre aux étudiant-e-s les enjeux de la question, pour changer les mentalités et que cela ne se reproduise pas. Mais il doit aussi y avoir une sanction, ne serait-ce que parce que c’est une obligation juridique.

Sur la partie « prévention » le CA semblait accepter le fait qu’une charte sur le modèle de celle de l’égalite femme-homme que nous avions présenté soit rédigée et appliquée.

Sur la question des sanctions voici notre position  lue en Conseil d’Administration :

Article 40 du code de procédure pénale.

Modifié par Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 – art. 74 JORF 10 mars 2004

« Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1.

Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

=> La loi oblige lorsqu’il y a constatation d’un délit par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonction à ce qu’il saisisse le procureur de la république (art 40 al2 CPP). 
Néanmoins l’établissement peut régler en interne le problème par une commission disciplinaire si celle-ci est compétente. 

Dans notre cas : choisir la commission disciplinaire reviendrait à considérer que la faute est uniquement individuelle et non collective ( la commission disciplinaire ne juge que des individus pour leurs actes propres), et que les professeur-e-s, la direction ou les élu-e-s étudiant-e-s s’octroieraient le droit de décider de qui est censé être « jugé » par la commission disciplinaire.

Considérant que nous ne sommes pas qualifiés pour faire ces choix. (Faute individuelle / collective // Qui doit être envoyé en commission disciplinaire ?).

Nous pensons donc que la solution la plus juste et légitime soit que « l’affaire » soit jugée par la justice. 

Néanmoins si ce n’était pas le cas, nous jugeons que la commission disciplinaire de l’IEP (dont nous sommes membre titulaire), n’est pas apte à se prononcer sur la question pour les mêmes problèmes de partialité. (Les personnes mises en causes étant connu-e-s de tou-te-s, ayant le même âge que nous, évoluant dans la même école), 

Nous demandons auquel cas à ce que la commission disciplinaire du CNESER soit saisie. 

Pour ce qui est des sanctions financières évoquées contre le BDE : d’une part nous n’avons pas à nous octroyer le droit de sanctionner en décidant nous de la sanction, d’autre part le BDE touché serait le nouveau BDE auquel nous n’avons pour le moment rien à reprocher, nous sanctionnerions donc de manière totalement injuste : nous sommes contre une sanction financière pesant sur le nouveau BDE. 

Notre position a été renforcée par les arguments du vice-président de Lille 2, juriste, qui a expliqué qu’il était absolument illégal de sanctionner une association via une modification de ses subventions. Que toute baisse de subvention votée par le Conseil d’Administration justifiée par le livret du Chti-Bizuth n’était pas autorisée par la loi.

Il s’agissait pourtant là de la position de Benoit Lengaigne et de l’ensemble des élu-e-s étudiant-e-s : supprimer les subventions du BDE.  

Nous avons conscience que notre position peut effrayer, qu’elle semble trop radicale. Nous tenons à le dire ici, elle n’a pas été facile à définir. Nous ne l’avons pas construite à la légère, elle a été le fruit d’une longue réflexion, collective où nous nous sommes efforcé-e-s de nous demander ce qui était le plus juste et impartial comme moyen de décision et non pas quelle sanction nous paraissait juste à nous. Tout en sachant qu’aucune de ces solutions n’est réellement juste.

Nous nous tenons à la disposition de toutes et tous pour expliquer notre position, discuter et réfléchir ensemble.

 

0B

 


Répondre à SUD Étudiant Lille Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

11 commentaires sur “Livret du Chti Bizuth. Au-delà des ragots : ce qu’il s’est réellement passé au dernier CA et notre position.

  • Sophie Le Jeune
    Bravo pour cette prise de position ultra radicale pour le contexte et complètement idéologique qui risque de mettre en grande difficulté 2 de nos élèves. Vous etes donc partisants de faire un geste fort pour l'exemple, quitte à mettre des élèves de votre école dans une situation très dure, élèves dont d'ailleurs vous savez très bien la responsabilité limitée... J'espère que le reste de l'école saura être plus humain. Et j'admire votre sens du vivre ensemble comme je l'ai admiré quand vous avez vous même apporté le livret directement aux professeurs sans aucune discution, échange, intervention de quelque nature avec les autres étudiants. La "justice et la partialité" qui ont guidé votre choix ne se trouve pas que dans les grands principes mais aussi dans la juste mesure...
      • Sophie Le Jeune
        Evidement je ne parle pas de vos idées globalement, que je partage souvent d'ailleurs, mais de votre décision face à CE problème qui est pour moi ultra radicale oui ! Et idéologique dans le sens ou vous préferez rester fidèles à vos principes plutot que de prendre la situation comme un cas spécial qui a des conséquences directes sur des personnes.
        • Damien
          Quand on fait du syndicalisme, TOUTES nos décisions et prises de position, ont des "conséquences directes" sur des personnes. On est confronté-e-s à des étudiant-e-s sans papiers, qui risquent l'emprisonnement en l'expulsion, à des étudiant-e-s en situation de grande précarité, qui dorment à la rue, à des étudiant-e-s qui passent en commission disciplinaires et qui risquent l'exclusion de l'enseignement supérieur, à des situation de discrimination ou de harcèlement, avec des conséquences souvent dramatiques... Et oui, ce qui guide notre action syndicale, notre activité de défense des intérêts des étudiant-e-s, c'est un corpus de valeurs, et notamment la lutte contre les discriminations racistes, sexistes ou homophobes.
  • Clémence
    Pourriez-vous s'il-vous plait expliquer de quoi il s'agit concrètement dans ce livret ? Je n'ai pas suivi l'affaire jusqu'à maintenant et je suis un peu perdue... Merci !
    • Paula Navarro
      Le livret du Ch'tit Bizuth est un livret distribué aux nouveaux élèves de l'IEP par le BDE. Ce livret comprend entre autres la liste des meilleurs boîtes et bars de Lille et les chansons de l'école, qui soit dit en passant ne datent pas d'hier et sont diffusées auprès des élèves par le BDE depuis plusieurs années. Il y a quelques mois, SUD a jugé bon de mettre en péril l'avenir universitaire de quelques élèves en déposant le fameux livret dans le casier des professeurs, estimant que les propos que contenaient ces chansons étaient scandaleux. Ainsi, le BDE a été accusé de tenir des propos homophobes, racistes et sexistes. Bien que les blagues et les propos tenus dans ces chansons soient graveleux voire borderline, ces chansons ne sont rien d'autre que des chansons paillardes. Qui serait assez stupide pour prendre ces chansons au sérieux et croire que notre IEP n'est qu'une concentration de gens aux pensées odieuses, à part notre cher syndicat étudiant qui prend un malin plaisir à tirer dans les pattes de ses camarades? Car ce n'est pas la première fois que des élèves risquent des sanctions pour une malheureuse blague borderline à prendre au second degrés (cf. L'affaire du tableur des choix de 3A en 2013...). Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit, ce ne sont que des blagues, pas toujours de bon goût certes, mais ces chansons ne sont en aucun cas à prendre au pied de la lettre. Par ailleurs, il me semble que faire des blagues comme celles-ci reste un des moyens pour combattre et pointer du doigt le ridicule des clichés et propos vraiment racistes, homophobes et sexistes. SUD, j'aimerai te dire un mot, un seul: Bravo. Bravo, car sans toi, les élèves de l'IEP se salueraient encore à coup de "suce ma bite salope" comme il est si bien écrit dans le livret du Ch'tit Bizuth. Sans toi, les noirs, les arabes, les asiat', les juifs, les homos, et même les noirs/arabes/asiat'/juifs homos seraient encore stigmatisés et arriveraient à l'IEP, tous les matins, avec la crainte justifiée d'être lapidés. Sans toi, le chaos régnerait au 84 rue de Trévise. Peut-être pourrais tu rapporter l'affaire à la Voix du Nord (comme il t'es déjà arrivé de le faire) afin d'être sûr que les membres du BDE 2014 - 2015 soient mis au banc de la société à tout jamais?
      • Sud Solidaires Etudiant-e-s
        Nous n'avons en effet pas donner le livret du Chti Bizut à Elise Julien, nous l'avons rencontré et elle nous a expliqué l'avoir trouvé au service scolarité de l'établissement il y a un moi. Pensez vous vraiment que si nous avions pensé à sortir ce livret en CA nous serions passé par une professeure ? Nous avions honte pendant ce CA de ne pas avoir fait ce qu'Elise Julien a fait plusieurs mois plutôt ! Et oui c'est une décision difficile fruit d'une longue réflexion, parce que pour nous dire que la meilleure solution est d'en référer à la justice n'est en effet pas simple. Vous croyez vraiment que les réflexions que vous faites sur leur avenir, la possibilité pour eux d'être puni etc ... Nous ne nous les sommes pas faite ? Vous pensez vraiment que c'est du dogmatisme et de la haine ou de la rancune ? Mais est-ce que vous avez lu l'article ?
  • SUD Étudiant Lille Auteur du billet
    "Dans notre cas : choisir la commission disciplinaire reviendrait à considérer que la faute est uniquement individuelle et non collective ( la commission disciplinaire ne juge que des individus pour leurs actes propres), et que les professeur-e-s, la direction ou les élu-e-s étudiant-e-s s’octroieraient le droit de décider de qui est censé être « jugé » par la commission disciplinaire. Considérant que nous ne sommes pas qualifiés pour faire ces choix. (Faute individuelle / collective // Qui doit être envoyé en commission disciplinaire ?)." A ceux-elles qui ne nous accusent de vouloir couper des têtes, ils seraient de bon ton de lire l'article dans un premier temps. Pour ceux-elles qui évoquent la radicalité de notre réaction par rapport à une simple petite blague, il me semble que le fait que les chansons soient à prendre au "second degré" et que ce n'est donc pas méchant a aussi été longuement détaillé dans l'article, qui détaille point par point notre décision. A aucun moment nous n'avons dits que faire intervenir la justice était un moyen de "faire un exemple", nous avons en revanche expliqué que cela nous semblait être la solution la plus légitime JUSTEMENT parce que ce n'est pas aux élu-e-s étudiant-e-s dont nous faisons parti et à l'administration de Sciences Po Lille de désigner des coupables.
  • simcity buildit hack for android
    Joel,It is really not my business to equate or differentiate between Rosen and <span>Schlussel. While the post by </span><span>Schlussel is insensitive, it is also totally unhinged - pay attention to the language she uses.</span>I am not sure I am qualified to discuss Rosen. From the distance I am at, he doesn't look too big to me, but I shall defer to your judgment.In any case, without comparing the two, what was important to me is to see againg the way political discourse in US is becoming more and more of a shit-slinging competition.